Les Fashion Week de 1943 à aujourd’hui
Ça y est, le compte à rebours est lancé : les Fashion Week ont commencé. Mais c’est quoi exactement ? Et bien, c’est quatre semaines de folies créatives qui s’enchainent et ne se ressemblent pas, les « Big Four » comme dirait les anglais. Quatre semaines où, de New York à Paris en passant par Londres et Milan, les stylistes et maisons de coutures vont présenter au monde entier leurs dernières collections de prêt-à-porter aux travers de défilés.
RETOUR SUR LA PASSIONNANTE ASCENSION DE LA SEMAINE DE LA MODE.
Paris est la capitale de la mode et de la création mondiale depuis toujours. On aurait donc naturellement tous pu lui attribuer la création de la Fashion Week. Et pourtant, la semaine de la mode a été pensée et inventée à New York dans les années 1943, par une célèbre publicitaire de mode, Eleanor Lambert. Celle-ci avait une réelle envie de donner un coup de projecteur à la créativité de la mode américaine, en pleine essor alors, en cette période de post-guerre, pour montrer au monde entier la fantaisie et l’émotion que procure la vision d’un style particulier.
C’est donc sous le nom de « Press Week » que cette femme lance, sans même le savoir, l’évènement qui allait devenir, le plus célèbre et mémorable de la mode. Cependant, la « Press Week » n’était dès lors pas ce qu’est la Fashion Week d’aujourd’hui. La « Press Week » de New York était, il est vrai, exclusivement réservée aux gratins de journalistes ayant une grande renommée aux Etats-Unis après la Seconde Guerre Mondiale.
La véritable et incontournable Fashion Week a alors, éclos de mille de coutures, en 1973, durant laquelle Paris a transformé l’essai américain en une véritable semaine de la mode. Cette évolution a pu avoir lieu grâce à la Chambre syndicale du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de la mode.
En une vingtaine d’années, les Fashion Week sont devenues un show d’autant plus étonnant et réputé, qui s’exporte de plus en plus à travers le monde. C’est d’abord Milan qui créé sa Fashion Week en 1979 via la Camera Nazionale della Moda Italiana, suivi de près par New York grâce au Conseil des créateurs de mode américains puis Londres adopte la tendance en 1993 grâce au British Fashion Council.
On compte à ce jour plus de 140 Fashion week éparpillées dans le monde entier, un événement qui n’est pas près de s’essouffler tant la mode est une perpétuelle histoire d’amour avec des créateurs, toujours débordant d’imagination.
Paris a souvent revendiqué son statut d’épicentre de la mode, de ville de la haute couture, des ateliers vrombissants, et du bon goût. Cette réputation s’est construite autour d’une image spécifique, liée à un certain patrimoine de l’élégance. Comme l’observe l’historienne de la mode Valerie Steele dans son ouvrage Paris: Capital of Fashion : “L’histoire de la mode de Paris est indissociable du mythe et de la légende“. Vogue vous raconte l’histoire de la semaine de la mode de Paris, de ses débuts dans les bals extravagants donnés par Paul Poiret, jusqu’au New Look de Dior et aux défilés surnaturels de Karl Lagerfeld pour Chanel.
La semaine de la mode est née
Dans les jours naissants de la mode parisienne, des créateurs comme Charles Worth (à la fin du 19ème siècle) et Paul Poiret (au début du 20ème) caressent l’idée de présenter leurs créations en mouvement. Au même moment, Lady Duff-Gordon (sous son nom de créatrice Lucile), en faisait de même à Londres. Paul Poiret, qui était connu pour ses créations luxurieuses et gracieuses, s’est décidé à mêler commerce et mondanités en organisant une série de bals somptueux où les invités devaient venir habillés de leur plus belle tenue. Parmi ces bals célèbres, l’un des plus mémorables fut celui de la mille et deuxième nuit en 1911, où Paul Poiret présenta ses robes abat-jour et ses sarouels.
Dès les années 1920 et 1930, Paris était devenu un vivier de couturiers de talents : l’aisance discrète de Coco Chanel, les expérimentations surréalistes d’Elsa Schiaparelli ou les drapés fluides de Madeleine Vionnet. Les défilés ont perdu leur caractère de grande fête pour devenir des moments plus intimes et individualisés : chaque maison de mode présentait alors ses collections sur une série de modèles lors événements réservés aux clientes. La peur du plagiat étant très élevée, ces présentations étaient placées sous haute surveillance. Contraste saisissant avec notre époque toute entière tournée vers l’image : les photographes n’étaient pas les bienvenus.
Le New Look installe la tendance des défilés à Paris
Il fallut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que la mode parisienne se dote de réglementations plus abouties. En 1945, la Chambre Syndicale de la Haute Couture stipula que toutes les maisons de couture devaient présenter au moins 35 tenues de journées et de soirées par saison. Les habits n’étaient alors disponibles que faits sur mesure, le procédé de commande et d’essayage pouvant s’avérer très long. La mode parisienne voyait d’un mauvais œil l’influence grandissante de l’industrie de la mode de New York, la guerre ayant promu un soutien patriotique des stylistes américains lors de la première Press Week de 1943. Mais la capitale avait une botte secrète : Christian Dior. En 1947, la première collection de Dior, Corolle, qui fut présentée devant de nombreux représentants de la presse de mode dont les photographies étaient autorisées dans la compétition internationale, grâce à ses silhouettes exagérées. En se débarrassant du pragmatisme rigide de la guerre, le New Look de Dior rassemblait des jupes tout en volumes, des tailles fines et de la féminité affirmée. Les années qui suivirent, Dior allaient aider à redéfinir les lignes et les formes de la mode féminine, remettant Paris au centre de la carte de la mode, avec ses contemporains comme Hubert de Givenchy, Pierre Balmain, et Jacques Fath.
Dans les années 1960, un autre grand nom du stylisme, qui avait fait ses armes chez Dior allait émerger : Yves Saint Laurent. En lançant une ligne de prêt à porter en 1966, y compris un smoking qu’il adorait, Saint Laurent signala un autre changement d’époque, où l’intérêt s’était recentré vers la jeunesse et la culture jeune (comme en témoignent également les collection spatiales de Pierre Cardin et André Courrèges, ce dernier encourageant ses modèles à évoluer naturellement au bon vouloir des habits). Le prêt-à-porter était devenu la voie d’avenir.
La Bataille de Versailles
La première semaine de la mode officielle de Paris se déroule en 1973, avec la création de la Fédération Française de la Couture, et fut inaugurée par un défilé qui allait changer à tout jamais l’histoire de la mode, connu depuis sous le nom de Bataille de Versailles. Cette bataille s’est déroulée lors d’un défilé France Amérique et mettait en relief les tensions entre la mode de Paris et celle de New York. Cinq créateurs français et cinq créateurs américains présentèrent leur collection lors d’une levée de fond pour la restauration du Château de Versailles. Côté français, Yves Saint Laurent, Emanuel Ungaro, Christian Dior (à l’époque sous la houlette de Marc Bohan), Pierre Cardin et Hubert de Givenchy. Côté américain : Anne Klein, Halston, Oscar de la Renta, Bill Blass et Stephen Burrows.
En dépit des mises en scènes spectaculaires de l’équipe hexagonale (caravane tirée par des rhinocéros, carrosses en forme de citrouilles évoquant l’univers de Cendrillon), les Américains sont unanimement considérés comme les vainqueurs de ce duel, grâce à leur casting, et une apparition de Liza Minnelli.
L’évolution de la Fashion Week de Paris
À partir de ce moment, les défilés se sont fait plus audacieux : la folie des grandeurs du défilé Thierry Mugler au Zenith de Paris (devant un public de 6000 personnes), le soutien gorge conique culte de Jean Paul Gaultier, lancé la même année, et qui a été rendu célèbre par Madonna, qui le portait sur sa tournée Blond Ambition. Le revival auto-référentiel de Chanel sous les mains de Karl Lagerfeld dans les années 1980 a offerts de très nombreux moments de bravoure de l’histoire des défilés, tandis que l’arrivée d’une nouvelle vague de stylistes japonais parmi lesquels Yohji Yamamoto et Comme Des Garçons a amené avec elles de nouvelles conceptions révolutionnaires du style.
La Fashion Week de Paris aujourd’hui
De nos jours, les défilés parisiens sont plus spectaculaires que jamais. Les décors conçus pour l’occasion étant devenus la norme pour de nombreuses marques, la Fashion Week parisienne a connu d’incroyables mises en scène : des répliques de stations de métro, de supermarchés, d’aéroports, ou de manèges. On doit de nombreux exploits dans ce domaine à la direction artistique de Karl Lagerfeld puis Virginie Viard chez Chanel, chaque saison essayant de surpasser la précédente. Pour plus de théâtralité, on ira voir du côté de Louis Vuitton, Balenciaga et Rick Owens, qui a présenté des sacs à dos humains lors de son défilé printemps-été 2016. La ville a bien évolué depuis le temps des bals organisés par Poiret, il y a cent ans. Mais, il reste ce sens du spectacle typiquement parisien qui n’a pas d’équivalent.
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